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HISTOIRE DE CABANNES:  «  Franço per tu li cabanen an  fa co que  poudié » (Article paru en septembre 2009)

A l'approche du 11 novembre, et suite à une proposition d'une fidèle lectrice du blog (Merci Marie Claude), je ré édite sur ce site un article écrit en 2009. Bonne lecture ou re lecture!

 

 

 

C’est encore l’histoire et le patrimoine qui font l’objet de mon propos sur ce blog, car l’actualité nous y conduit.

Le 7 septembre 2009, la Direction des affaires culturelles PACA  a rencontré les conseillers municipaux pour présenter le projet d’inscrire aux registres des monuments historiques, parmi d’autres,  le monument aux morts de notre commune.

Cette démarche appréciable a permis aux élus d’approcher un pan de l’histoire de Cabannes, de la guerre de 1914/1918 et de l’intérêt historique du monument et surtout d’e l’inscription «  Franço per tu li cabanen an  fa co que  poudié » (France, pour toi, les Cabannais ont fait ce qu’ils pouvaient).

En effet, cette inscription relate en particulier l’histoire du 15ième corps d’armée, composé de mobilisés des départements Provençaux, et qui a été décimé avant d’être injustement et scandaleusement  mis en cause par les pouvoirs de l’époque.

Cette situation avait conduit Léopold Vidau à écrire en 1923 un article intitulé « La Véridique Histoire du XVe Corps » dans son livre « LIVRE D’OR des enfants de Cabannes morts pour la France »

Nous publions ci-dessous 2 extraits de ce livre…

 Quant à la perspective de classement aux monuments historiques, un groupe de travail a été mis en place hier soir par le conseil pour examiner si la commune l’approuve ou pas (Décision en Décembre)  et quelles en sont les conséquences.

 Pour ma part l’intérêt de notre commune est de s’engager et de soutenir activement ce travail de mémoire et de préservation de notre patrimoine.

Jacques Rousset


 

EXTRAITS DU LIVRE de Léopold VIDAU

MONUMENT   AUX   MORTS

« La Nation qui sait aimer et admirer n'est pas près de mourir. »

E. RENAN.

 

Les premiers deuils avaient à peine jeté un crêpe sur le village et sur les familles, que surgit dans beaucoup d'esprits et dans tous les cœurs la généreuse idée d'élever un monument commémoratif aux glorieux poilus cabannais tombés au champ d'honneur, victimes du Droit, de la Justice et de la Liberté.

  Convoqués par M. Ferrier, maire, les notables se rendirent à son appel pour former un comité dans ce but ; il fut ainsi constitué ;

  Mme Vigne A., présidente ;

MM. Ferrier E, Président d'honneur ;

Bernard C., curé ;

Tarascon E., Conseiller d'arrondissement ;

Joubert P., notaire ;

Sabatier D., notaire honoraire ;

Vidau L.

Garrigue D.

Mmes Sylvestre Ch.

Dumas Rampai.

Eynier V. receveuse des Postes.

 

Dès la démobilisation furent adjoints :

Roubaud louis,

Chabert Pierre,

Sylvestre Ch,

Bethel H

 

Le Comité par souscriptions, dons, quêtes, soirées au bénéfice de l'œuvre, 12.000 francs.

 

Le Conseil municipal vota 7.000 francs. Le Conseil général vota l.ooo francs.

 

Sur cette somme furent prélevés trois mille francs remis à M. le Curé pour ériger un monument religieux sur l'emplacement que la municipalité concéda aux 'glorieuses dépouilles des soldats réinhumés dans la terre natale.

 

Une plaque en marbre blanc où sont gravés les nom, prénoms et âge de 78 poilus cabanais morts pour la France, fut apposée dans l'église paroissiale.

 

Deux superbes tableaux contenant les mêmes indications ornent la salle du Conseil à la mairie.

 

Le Comité du monument, devant plusieurs maquettes, choisit celle présentée par le sculpteur François Carli, de Marseille, et confia à cet artiste l'érection du monument sur la place du Château, qui prit de ce jour le nom de Place des Poilus ; un soldat dans l'attitude du défi en est le sujet principal, sa hauteur est de 5 m. 80, le tout est entouré d'une grille très élégante.

 

On lit sur le piédestal :

AUX ENFANTS DE CABANNES

MORTS POUR LA FRANCE

 

Sur la face arrière :

Ce monument a été élevé par souscriptions

aux héros de la Grande Guerre.

1921

Sur le rocher où est planté le poilu :

FRANCE !

Per tu li Cabanén an fa ço qu'an pouscu.

 

De concert avec le Conseil municipal l'inauguration en fut fixée au 2 octobre 1921.

 Cette cérémonie qui avait groupé autour du monument toute la population cabannaise et des villages voisins revêtit un caractère de grandiose manifestation, de patriotique reconnaissance en l'honneur des victimes livrées en holocauste pour la défense de notre territoire et de nos libertés, la place était élégamment parée de fleurs et de drapeaux.

 Le cortège précédé de la musique de Noves « Les Enfants de Laure », se forma sur la place de la Mairie et se dirigea vers le monument où sur une estrade drapée de velours grenat aux crépines d'or prirent place :

 

MM. Bellecroix, Sous-Préfet d'Arles.

Ferrier, maire et son Conseil municipal au complet.

Pasquet. sénateur, Président du Conseil général.

Bergeon, sénateur.

Girard, député.

Victor Jean, député.

Briand J., Conseiller général.

Vidau L., Président du Conseil d'arrondissement.

Jaissy P., maire d'Orgon.

Sellon M., rnaire de Sénas.

Chabaud A., maire d'Eygalieres.

Gourdin G., maire de St-Andiol.

Ginoux J., maire de Verquières.

De Bonfils,, maire de Molléges,

Martin L., adjoint du Plan d'Orgon.

Paraud P., adjoint du Plan d'Orgon.

Bertholoto, curé de Cabannes.

Carli F., auteur  du monument.

Les Membres du comité.

 

Des places avaient été réservées aux enfants des Ecoles qui jonchèrent de fleurs le monument ; aux veuves de guerre, aux pupilles de la Nation, aux pères et mères des regrettés défunts ; assistaient également à la cérémonie ave leur drapeau les Sociétés du Sou des Ecoles, des Mutilés, du Secours Mutuels.

 La musique exécute le Salut au Drapeau. Un mutilé fit l'appel des morts, à chaque nom glorieux les enfants des Ecoles répondaient : mort pour la France ; le voile tricolore qui enveloppait le monument est alors enlevé aux accents de la Marseillaise et aux applaudissements frénétiques de toute la foule.

 M. Joubert P., notaire, dans un discours plein de foi patriotique fit, au nom du Comité, la remise du monument à la ville.

 M. Ferrier dont l'émotion était intense, lui répond, le remerciant et le félicitant lui et les membres du Comité pour leur dévouement à la cause sacrée qu'ils avaient menée à bonne fin, il exprime également sa reconnaissance à tous les généreux souscripteurs, il évoque le souvenir de ceux qui ne retourneront plus au foyer natal, assure que la République prendra soin de ceux qui pleurent leur père, leur époux, leur fils ; il salue et souhaite la bienvenue au Représentant du Gouvernement, à MM. les parlementaires, les élus du canton, ses collègues, les maires du canton et à tous ceux qui .par leur présence sont venus rendre hommage à ceux qui sont morts pour que nous vivions et honoré la cérémonie par leur présence.

 Prirent ensuite la parole, MM. Vidau, Briant, Victor Jean, Bergeon, Pasquet et M. Bellecroix au nom du Gouvernement.

 Ces Messieurs dans des discours fort éloquents et en termes élevés, que les circonstances ne nous permettent pas de reproduire la plupart ayant été improvisés.

Notons cependant ceux de MM. Pasquet et Victor Jean, qui surent allier la pure diction académique à une superbe et supérieure éloquence.

 

La population émue, leur prodigua des vivats et leur fit une chaleureuse ovation.

 

La cérémonie fut clôturée par les Enfants de Laure qui jouèrent l'air si patriotique « Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine


 

LA VERITABLE HISTOIRE DU XVième CORPS

Un Acteur du grand et terrible drame du mois d'août

en écrit l'Histoire

d'autant plus impartiale qu'il n'est pas du Midi.

 

Les lignes constituant ce dossier, nous dit la Dépêche, Ont été écrites dans la tranchée, au son du canon par un acteur du grand et terrible drame du mois d'août.

 Cet acteur, dont nous ne pouvons pas encore dire le nom, n'est pas originaire du Midi. Son impartialité est donc certaine. Il raconte ce qu'il a vu, simplement, clairement, loyalement. Il parle en soldat. Il parle également en témoin. Son récit rend le son de la franchise. C'est une page d'histoire écrite au moment même où l'histoire se faisait et, par conséquent, digne de foi.

 Celui qui va nous mettre ainsi à « pied d'œuvre », et peut dire des faits qu'il va nous rapporter « Quorum magna pars fui » jette tout d'abord ce coup d'œil général sur l'ensemble de ces faits :

 La page d'histoire du 15e C. A., il suffit de la feuilleter sans parti-pris,' comme sans arrière-pensée, pour se convaincre de la somme d'énergie déployée et soutenue par ces gens décriés du Midi, qui, depuis la mobilisation ont été — et sont encore et toujours — sur la brèche en première ligne. Pendant de longues semaines, ils ont marché nuit et jour, sans autre repos que le sommeil de quelques heures sur le bord d'un fossé, dans le sillon d'un champ ou sous le feuillage des forêts. Certains jours, faute de ravitaillement possible, ils n'ont pas mangé. Certaines nuits, ils n'ont pu ni déposer leur  sac, ni  étendre leurs membres engourdis, ni fermer l'œil.

 Ce sont cependant ces hommes qui, amenés à pied d'œuvre, dans des conditions remarquables de rapidité et d'entrain  mais de fatigues exceptionnelles  ont combattu valeureusement à Moncourt, Dieuze, Vergaville, Bidertroff, Xermaménil, Mont, Vassincourt... — Des troupes qui ont enlevé Moncourt, poussé au delà de l'enfer de Vergaville jusqu'à la Fournaise de Bidertroff, enlevé des centaines de prisonniers à Xermaménil, repoussé les attaques furieuses de Mont. dégagé brillamment le plateau de Vassincourt, sont au-dessus de tout soupçon pour leur honneur guerrier, malgré la retraite inévi­table de Bidertroff  car je doute fort que les acteurs de ces drames terriblement meurtriers pour les deux partis n'éprouvent point à leur seul souvenir un frisson d'horreur et d'inquiétude que domine heureusement le sentiment de devoir accompli au delà de toute limite.

 Et tout aussitôt, celui qui fut à la fois témoin et acteur de cette épopée des légions méridionales nous raconte comment elles reçurent le baptême du feu :

 Moncourt ! c'est là que le XVe C. A. donna pour la première fois. A l'extrémité du vaste couloir mamelonné, coupé de rivières et d'étangs, qui s'étend entre Seille et Sanon, et plus exactement entre les forêts de Bezange-la-Grande et de Paroy, Moncourt, bien assis sur un piton élevé, domine toute la plaine. Sa majestueuse position en a fait la sentinelle avancée qui, à 800 mètres de la frontière, surveille tous les cheminements possibles venant de l'Ouest et le débouché du ruisseau des Trapes, propice aux rassemblements dange­reux, et le plateau de Réchicourt-la-Petite, bien fait pour supporter une artillerie puissante, et la route qui, de Valhey par Bures et Coincourt mène à Dieuze, objectif premier du XV* C. A. — L'ennemi tenait Moncourt, et la valeur pour lui de cette position se dou-bfait de ce fait qu'il occupait le bois du Haut-de-la-Croix, au Nord du Sanon, près de Bures ; de plus, il tenait la crête boisée qui descend dn mamelon 284, sur lequel est bâti le village et qui barre la route de Moncourt à Coincourt.

Partant du front Coincourt-Movacourt, qu'elle avait atteint sans peine., avec les précautions d'usage, le 13 août au soir, la division de tête s'engagea sur le front Moncourt-bois du Haut-de-la-Croix.

 C'était le 14 août, vers quinze heures, et de suite, confiante dans le succès, elle se lança tout entière à l'attaque, avec une fougue splendide, un enthousiasme débordant, un élan magnifique, comme à la manœuvre. Par petits paquets, en bon ordre, bien en main, elle s'avança par bonds réglés, conservant ses formations initiales — formations de terrain d'exercice -- bien que prise violemment à partie par un feu déconcertant, insoupçonné, de grosses pièces de 105, qui la décimèrent en un rien de temps et dont il était impossible de déterminer l'emplacement.

 En même temps les canons de 77, les mitrailleuses, les fusils entraient en action, leurs obus et leurs balles balayaient tout le champ de bataille d'une façon infernale. Dans ce tourbillon de feu, elle marcha le cœur au ventre, la première division, suivie de la deuxième dans la même formation, marquant chacun de ses généreux élans d'une rangée de cadavres et de blessés, officiers, hommes, chevaux, jamais rebutée, ne s'arrêtant que pour souffler et reprendre haleine, s'élançant à nouveau, incroyablement dominée par cette volonté ardente d'atteindre les casques à pointe, de regarder les Allemands les yeux dans les yeux, de leur crier leur haine, de les percer de leurs baïonnettes.

 Beaucoup devaient tomber sans avoir cette joie ! Des fantassins ennemis, nul n'en vit en ce jour du 14, pas plus que d'artilleurs. D'où partaient toutes ces balles qui fauchaient nos rangs ? Où étalent enfouies ces batteries dont les obus creusaient des entonnoirs de 8 • mètres de largeur et réduisaient en bouillie les malheureux qu'ils atteignaient ? Rien. On ne voyait rien. Pas un Allemand ne sortait de son trou. Pas une lueur pouvant déceler les pièces, seule la direction des coups pouvait faire soupçonner, après une étude de la carte, les positions occupées. Que de données vagues, insuffisantes pour le déclanchement de notre artillerie ! Tons nos adversaires se défilaient dans des tranchées invisibles, rentables repaires de bandits, dissimulées aux abords de Moncourt et du bois en avant des crêtes, : balles, shrapnells, marmites tombaient drus comme grêle sur nos troupes endiablées malgré tout, et bien que déconcertées, subissant stoïquement des pertes infinies. Et quand, par un prodige d'énergie et de volonté tenace, après cinq heures d'un combat d'une extrême violence, la division atteignit Moncourt, tant convoité, mille hommes par régiment manquaient à l'appel.

Honneur leur soit rendu !

 C'est de  ce   plateau,   si   chèrement gagné,   que  notre vaillant XV* corps, après une nuit passée au bivouac, se lançait à la poursuite de l'ennemi qui s'était dérobé et retiré vers la Seille. C'est alors que commença cette rapide et vigoureuse ruée de quatre jours vers Dieuze où, sur un terrain préparé de longue main, quadrillé, repéré, mesuré, connu par l'adversaire dans ses moindres replis, la 29° divi­sion, qui tenait la tête de la poursuite, vit s'ouvrir sur elle le feu infernal des massas allemandes, savamment embusquées.

 Ce qui se passa là, sous ces effroyables rafales, nous est raconté par l'historiographe auquel nous venons d'emprunter les lignes qu'on vient de lire. Il nous sera peut-être permis de puiser encore dans son dramatique récit ; mais, en attendant, il est pour nous de haute satisfaction de noter cette impression dominante qui s'en dégage :

Tombant par grappes sous l'ouragan de fer et de plomb ennemi, les nôtres ont pu répéter, jusqu'à leur dernière minute, le célèbre « Tout est perdu fors l'honneur » des vaincus de Pavie. Au sortir de Dieuze, l'attaque de la division se précise au reçu de renseignements de cavalerie : Vergaville est légèrement défendu ainsi que Lindre-Haute et Gnéberstroff. La marche d'approche s'effectue par régiment par la voie ferrée Dieuze-Berndorf et tout le secteur limité, à l'Est, et à l'Ouest, par le ruisseau de Spin et les bois de Zommange. A la côte 287 — 2 kil. N. de Dieuze — les premiers coups de feu se font entendre. Uu hussard de pointe tombe à terre le front percé d'une balle ; le deuxième hussard a le bras droit fracassé ; la section d'infanterie qui suit à quelques cent pas en arrière est englobée dans une gerbe de 77 qui jette à terre moitié de son effectif.

 Le combat prenait de suite une ampleur incroyable, des proportions fantastiques ; de suite, la précision de tir révéla que nous avions à affaire à forte partie. L'artillerie ennemie obtint là des résultats qu'elle ne retrouva jamais plus ailleurs. Son tir réglé atteignait des isolés, des cavaliers comme des points dans l'immensité de ce champ de carnage qui « a priori » ne méritaient pas l'honneur de l'attention, jetait a terre des sections entières, fauchait des tirailleurs, renversait des chevaux, faisait sauter en l'air des caissons de munitions.

  La 29e division, cependant, maintenait son ardeur et sa volonté de vaincre, prouvant au milieu de cette fournaise, sa maîtrise d'elle-même ; elle n'avait rien perdu de son souffle quand elle atteignit Bider­troff.

Bidertroft ! C'est là — seul refuge dans cette immense plaine entre le canal des Salins et la voie ferrée Dieuze-Bensdorff — que la plus grande partie de la division chercha un abri contre la multitude des projectiles que, sans arrêt, l'adversaire faisait pleuvoir à outrance. Elle s'engouffra là, se blottit derrière les haies, contre les murs, dans les granges, comptant y trouver quelque répit et protection ; mais ce* entassement de troupes sur un espace restreint, dans un village repéré, dont le clocher servait de cible aux batteries allemandes du Domnon, fut des plus funestes à la division. Peut-être même, et non sans "raison, est-on en droit d'affirmer qu'entre autres buts particuliers recherchés, la volonté ne dominât chez eux de contraindre la division de se rassembler dans Bidertroff. Partie en effet du pont de Vergaville, bois de la Tuilerie direction Bidertroff, Wolfert Steinbach, la 29= ne tarda pas à être encadrée entièrement par les grosses marmites. Sur ses bords mouvants ne cessaient de tomber les 105 affolants ; sur le centre une faible quantité de ces derniers — le 77 dominait. Tout naturellement, si l'axe de marche et d'attaque ne fut nullement modifiée, le front de la division, principalement des réserves particulièrement visées, se réduisit progressivement et se resserra sur le centre. Suivant le mouvement, les marmites serraient toujours les ailes de la division.

 Bidertroff apparut ainsi à tous, au milieu de cet enfer, comme l'unique salut vers lequel chacun se hâtait. Il était à peu près quinze lûmes. Il était facile de se rendre compte que ce mouvement vers Bidertroff aurait les plus graves conséquences, la puissance de destruction des projectiles allemands servant admirablement dans de semblables circonstances la décision des allemands.de ruiner les villages en notre possession.

  Et de fait, à quinze heures quinze à peine les derniers éléments île de la  division eurent-ils disparu dans Bidertroff que commença un bombardement  d'une violente inouïe. Il devait durer jusqu'à la nuit et même au-delà des premières heures de la nuit.

 Ainsi, la division subit sans se disloquer un bombardement de six heures et ne songea même pas, aux premières heures de la nuit, à profiter de l’obscurité pour se dérober, se replier, ou demander du secours.

 Elle se cramponna dans les ruines  de Bidertroff, ne  songeant qu'à  • repartir le 22 au matin, vers l'ennemi, bien que consciente du danger de plus en plus sérieux au-devant  duquel  elle voulait  courir.   Tant bien que mal, les corps se reforment  et les  commandements s'orga­nisent. Peu d'officiers intacts. Des compagnies réduites, du reste, de moitié et parfois plus, sont mises sous les ordres de sergents, même de caporaux. Cependant le moral de la division est merveilleux, l'allant, l'entrain n'ont point abandonné les survivants..

Le général de division cependant ne considérait pas l'avenir sans ' inquiétude. Il se rendait compte de l'arrêt forcé de l'offensive, de l'impossibilité d'avancer d'un pas dans cette région semée d'embûches et balayée de projectiles et demandait audience au C.A pour préciser la situation. Il recevait dans la soirée l'ordre de reprendre l'offensive le lendemain matin, dès la première heure, et de marcher sur Bourgalroff....

 L'ordre donné, il n'y avait qu'à passer à l'exécution. Cependant, dans la nuit, vers trois heures, après un nouveau bombardement, extrêmement violent de Bidertroff, une brigade allemande attaque le village. Les défenseurs font bonne contenance et ne se laissent pas entamer •- du moins, après un désarroi de quelques minutes reprennent-ils possession d'eux-mêmes et conservent intégralement leur point d'appui. Après un combat de trois quarts d'heure, pénible et de nouveau très meurtrier, la brigade allemande se retire.

 La journée du 20 devait se passer à organiser la position et à la défendre à outrance. Content que satisfaction lui ait été donnée, le général regagnait à peine le moulin de Bidertroff par Lindie-Haute que les premiers coups de canon, suivis d'une fusillade intense, éclataient sur le front Steibach-Bidertroff-Wolfert. Des masses d'allemands étaient.vus descendant sur Bassing, Dommon et Bidertroff, en soutien d'une division qui attaquait la nôtre et que soutenaient les canons de gros calibre.

  L'attaque était soudaine, violente. Steinbach est entouré et enlevé. \Volfert est abruti par les marmites et ses défenseurs anéantis. Les deux ailes de la position ainsi tenues par l'adversaire, Bidertrofï est menacé d'enveloppement, tandis que les tirailleurs boches, sans cesse plus nombreux, continuent à faire pleuvoir des milliers de balles sur les fractions des u i* et 112e régiments qui y luttent désespérément. La résistance n'est plus possible. Un dernier effort d'un régiment ennemi a raison de la poignée de défenseurs qui se cramponnent aux ruines; des habitations aux trois quart:, abattues.

 C'est la retraite, la marche en arrière qui commence. En vain prépare-t-on pour une contre-attaque le 3e d'infanterie au moulin de Bidertroff. Signalée par des observateurs d'artillerie ennemie, elle est disloquée avant d'avoir pu agir et suit le mouvement général de recul. Au moment où la situation paraissait sans issue, le général Car-billet prenait des mesures rapides pour réorganiser son monde et parvenait, chose incroyable, à reformer brigades et régiments, tout en confiant à deux bataillons de chasseurs le soin de couvrir la retraite de façon définitive. Placé personnellement au défile Sud de la station de Gelucourt, il faisait grimper sur la hauteur 252 tous les alpins du 24' bataillon ; sur la hauteur 264, tous ceux du 23° bataillon, avec mission de tenir le défilé, et dirigeait tout le reste, fantassins de ses quatre régiments et chasseurs des 6e et 27e, sur Gelucourt. Posté en ce point, un offi­cier d'état-major faisait grouper à la ferme Krapfel la 57° brigade, à la ferme Videlange la 58° et retenait les alpins sur place.

 

A 13 heures, les régiments étaient reconstitués. A 14 heures le commandement assuré; à 15 heures, tandis que l'arrière-garde résistait, la division s'écoulait, de nouveau active et ressaisie, sur le château de Marimont. A cette heure, on ne pouvait s'imaginer que la division avait subi des revers terribles et éprouvé la douleur d'une retraite pénible, et, à voir la résistance des bataillons alpins, bien assis sur leurs pitons 264 et 252, où de nouveau ils éprouvèrent de sérieuses pertes sans se laisser abattre, on avait l'impression très nette que le désarroi n'avait été qu'accidentel.

Mais, en haut lieu, la retraite générale avait surpris et profondément ému.

 Et, le 20 août, vers minuit, après avoir été orientée sur Marimont, aiguillée ensuite sur Donnelay, reportée sur Marimont, la division s'installait à Ley-Ommercy. L'annonce d'un régiment de cavalerie allemande en marche sur Gelucourt, sur Marimont et sur Donnelay ; en présence au-dessus des troupes d'un taube qui laissait tomber sur elles des étoiles blanches, et semblait destiné à préparer le réglage d'un tir de nuit de gros calibre, furent les causes déterminantes de changements continuels dans l'orientation des troupes.

 Le 21, tout le C. A. rétrogradait et se portait sur les hauteurs de Salfais-Belchamp, ou il devait s'organiser à nouveau.

  L'ennemi ne devait pas inquiéter  sensiblement cette retraite qui s’effectua sur Haussonville.

 Ah ! qu'elle fut reprochée au XVe C. A. cette marche rétrograde de soixante kilomètres jusque sur les hauteurs du Couronné de Nancy, comme si le recul général des armées françaises avait eu pour cause cet insuccès du XVe C. A. sur la Seille : comme s'il était possible à des troupes entamées très sérieusement, atteintes dans leur moral, dans un état extrême d'hébétement, d'ahurissement, de ne pas plier sous le choc brutal de masses d'infanterie et de résister plus longtemps aux coups multipliés des 105 qui tendaient les nerfs Jusqu'à la dernière limite.

 La retraite était inévitable : si elle ne s'exécuta pas avec toute la régularité désirable, il faut féliciter le commandement qui sut ressaisir les troupes, et celles-ci qui, à la voix de leurs chefs, reprirent conscience d'elles-mêmes et se laissèrent faire.

On a dit bien des choses. Elles sont toutes ou inexactes ou singulièrement exagérées.

  La vérité n'est pas là. Il faut savoir la regarder en face ; il n'y a pas lieu de la déguiser ni de l’affubler de sales oripeaux.

 A Bidestroff, les deux ailes cédèrent et le centre dut se replier. Ce résultat fut obtenu par la manœuvre allemande et non par le manque d'énergie de la troupe ; mais évidemment l'effet eut des conséquences désastreuses plus grandes qu'on ne pensait et qu'on aurait été en droit d'admettre. Si la troupe n'avait- été fatiguée par des marches précipitées, si elle avait été entraînée dès le temps de paix à l'exécution des travaux de campagne, si elle avait pu se mettre à remuer la terre sur une deuxième ligne, vers le plateau de Vergaville-Lindre-Haute ; enfin si elle avait encore eu des chefs.

 

Ce sont là de nombreuses conditions qu'il ne dépendait pas d'elle d'observer.

 

Les hommes luttèrent courageusement et mirent en œuvre tous les moyens dont ils disposaient ; ils firent des prodiges de valeur et de ténacité ; ils se groupèrent auprès d'un des leurs dont ils acceptèrent l'autorité, et quand ils rompirent le combat, ce fut faute de commandement, faute de savoir quoi faire —il n'y a pas que des débrouillards et des dégourdis dans les escouades, surtout quand la faux les a décapités.

 

La bataille de Concourt avait, en effet, désorganisé le commandement et privé maintes compagnies de leurs chefs, que de simples caporaux avaient remplacés. Il était au-dessus de leurs forces de maintenir partout et pendant plus de vingt heures, sous un feu violent, des effectifs désagrégés et harassés par les fatigues des mar­ches elles insomnies. Ils firent ce qu'ils purent et personne n'est en droit d'adresser à qui que ce soit le moindre reproche. La retraite fut purement la conséquence de la situation.

 

Elle aurait pu certainement être menée moins rapidement si une ligne de tranchées avait été créée entre la position de Biderstroff et Dieuze ; mais la mentalité de l'armée française était contraire à toute barbette passagère. La retraite aurait pu s'arrêter le 21 ou le 22 ; la division, réorganisée le 20 au soir, reposée le 21, pouvait se porter en avant. Il était préférable de mettre entre elle et l'ennemi beaucoup d'air, beaucoup d'espace et, lui redonnant un moral splendide, attendre, pour la conduire à nouveau à l'ennemi, et victorieusement, qu'elle eût pris sous de nouveaux chefs une cohésion qui lui manquait encore.

 

Le XVe corps définitivement réorganisé a montré ce qu'il vaut .et répondu héroïquement à ceux qui — bien assis dans les fauteuils de stratège en chambre — l'avaient si facilement critiqué. Dans l'inoubliable bataille de la Marne, son action a été très efficace, et nous pourrions citer tels de ses régiments qui, au moment critique, s'accrochèrent follement au terrain et se firent littéralement hacher. Nous pourrions citer de merveilleux exploits des fantassins, des chas­seurs et des artilleurs de ce corps, des mises en batterie remarquables d'audace et de résultat.

 

Ce n'est pas l'heure, nous ne voulons pas louanger. Nous avons simplement mis au point et réparé une injustice.

Pour être complet et terminer ce long article, nous vous informons par ailleurs que Pierre Caréna et moi même avons proposé au conseil de réinstaller dans une classe de l'école publique une plaque à la mémoire d'un instituteur mort pour la France, M. JEAN LOUIS. Cette plaque aété égaré il y aquelques années à l'occasion de travaux de réfection à l'école.

Ci joint le souvenir du texte de la plaque apposée en 1916:

HISTOIRE DE CABANNES: « Franço per tu li cabanen an fa co que poudié »
HISTOIRE DE CABANNES: « Franço per tu li cabanen an fa co que poudié »
HISTOIRE DE CABANNES: « Franço per tu li cabanen an fa co que poudié »
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