Les finances locales
Analyse d'André Chassaigne, Député du Puy de Dôme, Président de l' ANECR
La crise du capitalisme financier met plus que jamais en lumière les conséquences catastrophiques de la domination de la sphère de l’argent sur la société. Les effets du dogme de libre circulation des capitaux se révèlent aujourd’hui à l’opinion publique dans toute leur brutalité : irresponsabilité des banques, absence de contrôle d’une machine spéculative sophistiquée, extension du cancer financier à toutes les activités humaines et publiques.
Face à l’effondrement de ce système économique et libéral, Nicolas Sarkozy et la quasi totalité des dirigeants du capitalisme parlent « d’une crise de confiance sans précédent qui ébranle l’économie mondiale ». Et bien évidemment, la solution qu’ils avancent est sans surprises : toujours moins de dépenses publiques, au mépris des conséquences dramatiques sur les services rendus aux habitants. Dans sa volonté « d’associer les collectivités territoriales à l’effort de maîtrise des dépenses publiques », le gouvernement a un impératif : étrangler financièrement les collectivités locales pour les empêcher de mettre en œuvre des politiques de réponses aux besoins des habitants. Il s’agit aussi de réduire à sa plus simple expression les politiques publiques qu’elles peuvent engager, réduisant ainsi l’application du fondement républicain de la libre administration des collectivités locales.
Les moyens employés sont redoutables : condamnation des collectivités comme responsables des déficits publics et de l’endettement de la France ; encadrement forcé des dépenses et des recettes ; casse systématique des services publics et mise en concurrence des territoires et des collectivités… et maintenant, projet de suppression d’échelons territoriaux qui sont pourtant essentiels à une démocratie de proximité et porteurs de politiques publiques librement élaborées.
Le projet de loi de finances pour 2009 décline concrètement ce projet d’asphyxie des collectivités :
Les dotations de l’Etat aux collectivités locales seront gelées au niveau d’une inflation prévue à 2 %. Compte tenu que les collectivités, par les dépenses spécifiques du « panier des maires », sont davantage victimes de l’inflation, leur pouvoir d’achat va alors reculer au minimum de 2,5 à 3%, et probablement plus !
Dans la dotation globale de fonctionnement (DGF), la dotation de solidarité urbaine (DSU) devait être vidée de son critère de logement social, ce qui aurait pour conséquence d’éjecter de son bénéfice environ 240 communes de plus de 10 000 habitants. Le gouvernement a été contraint d’atténuer cette année la mise en œuvre complète de cette réforme, mais rien n’est encore réglé. Les nouvelles orientations de la DSU devraient cependant permettre à une ville comme Thiers de bénéficier d’une augmentation substantielle au regard des revenus très bas de ses habitants.
L’investissement est menacé avec la mise en cause du Fonds de compensation de la TVA. Dès cette année, le FCTVA est intégré dans l’enveloppe globale, aux normes strictes, des dotations de l’Etat aux collectivités locales, alors qu’il s’agit d’un remboursement variable d’une année sur l’autre.
L’arrêt de mort de la taxe professionnelle apparaît comme signé. A entendre les dernières déclarations de Nicolas Sarkozy, sa marche à la guillotine démarre en janvier 2009. La suppression de la part salaires et le plafonnement à 3,5 % de la valeur ajoutée l’avaient déjà saignée à blanc. Avec l’hypothèse de sortir de ses bases les investissements réalisés (soit près de 80 % des bases), le coup de grâce serait donné. Or, depuis la révolution industrielle, l’essor et le développement des collectivités sont intimement liés à l’existence d’un tel impôt économique. Alors que dans ce contexte il faut sonner le tocsin pour la survie des collectivités locales, apparaît en pleine lumière l’irresponsabilité des banques et les dérives du crédit financier.
Les collectivités locales ont l’expérience de ces dérives. Depuis le début des années 2000, des produits sophistiqués ont pénétré le marché du crédit local et représentent aujourd’hui le quart des emprunts réalisés par les collectivités. Or, ces prêts extrêmement risqués s’avèrent aujourd’hui catastrophiques avec la très forte hausse de leurs taux.
Quant aux emprunts à effectuer en cette fin d’exercice 2008, ils sont non seulement d’un taux élevé, mais aussi difficiles à obtenir. C’est parfois même mission impossible pour les collectivités les plus pauvres dont les finances sont étranglées. Le gouvernement a certes annoncé un prêt de cinq milliards d’euros pour passer l’orage. Mais son efficacité reste à prouver. Et, quoi qu’il en soit, les problèmes se reposeront à l’identique dans les années à venir.
Les inquiétudes n’ont pas disparu avec l’annonce par l’Etat français d’injecter trois milliards d’euros pour sauver DEXIA, la banque qui finance la moitié des collectivités locales et détient 42 % des parts de marché des produits sophistiqués. En effet, malgré ce renflouement, rien ne sera réglé si DEXIA continue de spéculer. A cet égard, une minorité de blocage dans son capital ne suffit pas : DEXIA doit être à 100% publique pour redevenir un instrument de financement pérenne à taux fixe et suffisamment bas.
J’ai moi-même fait récemment l’expérience d’une demande de prêt de 250 000 € auprès de DEXIA pour l’acquisition d’un bâtiment destiné à la maison de retraite de St-Amant-Roche-Savine « Impossible Monsieur le Maire, nous travaillons prioritairement avec les grandes collectivités auprès desquelles nous avons des engagements. Nous ne pourrions étudier votre dossier qu’en 2009, et encore… ». Est-ce nécessaire de rajouter que cette réponse n’a fait que renforcer ma conviction que DEXIA devrait être nationalisée ?
L’heure est donc à une mobilisation sans précédent. Il est de la responsabilité de tous les élus progressistes d’initier des convergences entre élus et habitants et d’impulser des mobilisations citoyennes. Il est vraiment temps de prendre collectivement des initiatives fortes de défense et de développement des ressources de l’ensemble des collectivités locales de notre pays !"